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Après le récit de JF sur son marathon, voici celui de Fred Laruelle qui nous permet de vivre au plus près ses émotions. Merci Fred pour ton témoignage et bravo pour ton temps ! 3:00:54. Beaucoup d'entre nous en rêveraient.

Frankfurt sous un autre angle
Frankfurt sous un autre angle

Mon Marathon de Francfort.

Je cours en compétition depuis 20 ans déjà. Je n'ai cependant qu'une expérience limitée du Marathon. Je courais ce 26 octobre mon 5ème Marathon.
J'ai couru 4 fois Paris. En 1996 et 1997, novice, j'avais couru en 3h37' puis 3h35' en accumulant toutes les erreurs possibles et imaginables. A l'époque, pas de puce, pas de chrono corrigé, pas de SAS, pas de GATOSPORT, une inscription à 150 Francs !

Ces expériences se révélèrent difficiles et ne me donnèrent guère l'envie de m'y frotter à nouveau; d'autres centres d'intérêts : le vélo de route, le VTT etc.

Le WRC aura été le tremplin nécessaire pour un retour sur cette épreuve. Je participerai au 1er marathon du WRC à Paris 2011 avec ce maillot "collector" que j'ai porté encore dimanche dernier. Mon objectif 2011 : 2h59'59' ! Mon chrono : 3h00'03"... Mon surnom est né : "BIP".... Ah oui on a bien "rigolé" dans la voiture sur la route du retour :-/. Je me suis arrêté une bonne minute pour pisser au 15ème. Il faisait 26 degrés sur la ligne d'arrivée et pourtant je termine en trombe à 17 km/h les 300 derniers mètres... Rageant... Le MARATHON? P----N quelle course! Une course longue qui passe si vite ou vous passez par tous les sentiments... Qu'à cela ne tienne, je remettrai ça l'année suivante. Facile: je suis exactement la même prépa, je ne m'arrête pas pour pisser, les conditions météo sont meilleures... Et puis PATATRAS... 3h12'... la cata ! Je suis défait,
dégoûté... Plus envie de recommencer ce truc de dingue...

Il m'aura fallu deux ans pour m'en remettre : passer à autre chose pour revenir. La lecture de vos différentes expériences sur le BLOG, la Perf de Martin à Berlin, les encouragements des amis pour me relancer... C'est décidé, je vais le faire... Ce ne sera pas Paris. Je veux un Marathon roulant, rapide; un marathon reconnu; un marathon en octobre : je suis en forme en général à cette époque. On s’entraîne "au chaud" et on peut espérer courir au frais. Je cherche. Je trouve l’épreuve idéale : ce sera FRANCFORT. En plein cœur des congés d'automne, le jour ou la nuit dure une heure de plus aussi... idéal ! Je pourrai y emmener mes plus fervents supporters : les enfants !
J'en parle, je l'évoque dès avril, j'apprends que certains du WRC font le même choix. C’est bien, c'est
mieux.

Frankfurt sous un autre angle

Boulogne, juillet 2014 : 40' au 10 000 m... hic ! Difficile d'espérer mieux que 3h15'... Il y a du travail !

Juillet - Aout : j'établis mon plan d'attaque. Ce sera vélo de route pour les longues sorties d'endurance et les sorties de résistance avec à la clé les grands cols pyrénéens. Vient ensuite Le Mont Ventoux… Ce géant de Provence me donnera du fil à retordre mais je pense au marathon et la forme? c'est pour le marathon que je la veux.
Pendant ces deux mois d'été j'aurais couru 2 fois par semaine pour 4 sorties
vélo.

Arrive Septembre! Il est temps de basculer vers la prépa marathon spécifique pour 10 semaines... Oups !!! Il ne reste que 8 semaines... Pas grave, on fera avec.
Un test à Hardelot : 37'35" au 10 000, dans la chaleur et en restant à 95%. C'est bon, je peux viser trois heures... Voire moin
s :-).

5 sorties / semaine plus une sortie vélo de 2h30 à 3 heures pour assimiler. C'est bon le vélo pour assimiler les efforts :-D : sortie longue samedi et vélo dimanche !
Tout va bien, la météo est estivale, favorable, géniale !
Cinq jours avant mon test sur semi à La Caloterie, je ressens une douleur persistante à l'effort au mollet... :’(. Je stoppe 4 jours. La douleur disparait. Je pense faire une perf à La Caloterie: je suis reposé... 1h25', déception... J'ai beaucoup de mal à accélérer, les sensations sont mauvaises... Deux heures après la fin de course, je suis pris d'un mal de gorge... Patatras... Je devrai courir ma première des deux semaines les plus chargées avec la crève... Toute cette semaine je finirai mes séances avec mal aux cuisses, mal au mollets. Est-ce là que j'aurai perdu mon pari ? En partie cer
tainement...

Par la suite, je ressens que cela se jouera encore une fois à peu de choses ...

Trois jours avant l'épreuve, j'ai le nez encombré. Coup de bambou... Heureusement il restera léger ce rhume : il faut dire que j'aurai tout fait pour. Si j'avais pu le nettoyer au Destop, je l'aurai fait...

Ce marathon??? Il est idéal. Idéalement placé dans le calendrier : on peut se reposer ensuite, l'hiver arrive ;-). Des conditions météo favorables : pas de vent, un peu chaud tout de même? 15 degrés. La nuit à rallonge (+1h) : c'est bien aussi !

La veille au soir Martin, JF et ma petite famille et moi arrivons à dîner ensemble : tous les "italiens" sont blindés mais on va réussir à les manger ces dernières pâtes ! On parle, on parle marathon... Bien sûr ! Nous ne sommes p
as au même Hôtel.

Frankfurt sous un autre angle

26 octobre au matin, à l'approche du SAS ASICS je cherche Martin, JF, en vain : il y a trop de monde et beaucoup de maillots verts. Les allemands aiment le vert. L'heure du départ approche. Je quitte ma famille, on se donne rendez-vous aux km 2 puis km 5 puis km 36... Dernière tentative pour retrouver Martin et JF... ZUUUUUUTTT !!!! J'ai mon sweat WRC sur les épaules... Que faire ? Non, je ne peux pas le balancer. Je le noue autour de la taille et je le balancerai aux enfants. Je rentre seul dans ce SAS Asics. Je pisse une dernière fois : hors de question de me faire prendre une nouvelle fois :-D.

Le départ est donné. Je suis 50 m derrière les meneurs d'allures 2h59'. Je passerai la ligne de départ environ une minute après eux : très bien. Je les garde en point de mire, je rentre doucement sur eux puis je reste avec eux et je tente de finir en trombe pour faire 2h57'59" :-D. Voilà mon plan de course.

Dans les premiers km je cherche Martin et JF. Je verrai Martin au km 1,5. Il est à droite de la chaussée. Je suis à gauche. Il ne me voit pas. La course est dense, je reste sur ma trajectoire. Désormais je chercherai JF en gardant en point de mire mes "deux ballons jaunes 2h59'". Je chercherai ma famille sur le côté de la route, là aussi en vain... Mon sweat se desserre de ma taille. Que faire ? Je le balance : il fera un heureux ou bien il ira à la poubelle ! Non je le garde: double nœud autour de la taille et il ne bougera plus.

Le trafic est dense mais fluide. Du monde, beaucoup de monde sur les côtés pour nous encourager. Nous parcourons "MainHattan" le Manhattan de "Francfort sur le Main" : on s'y croirait à New York avec des tours de 200 m, 250 m ! Mon GPS a du mal à capter les données satellites. Nous croisons à plusieurs reprises les coureurs partis derrière nous : sympa ça aussi. Km 7 l'opéra et son écran géant ou nous repasserons au 38 je crois.
Tous ces supporters sur les trottoirs : les allemands aiment le sport. Ils aiment sa pratique. Ils aiment encou
rager.

Frankfurt sous un autre angle

Km 15 : je rentre sur mes meneurs d'allures. Je suis bien, très bien. Voilà je suis en 2h58. Je reste avec eux, c'est bon pour le moral.

Les KM défilent. Je bois, je mange, je bois, je mange. Je suis concentré sur ma foulée, ma posture. J'écoute les moindres messages de mon corps : un ischio droit qui se fait sentir...

Km 25 : mes cuisses commencent déjà à durcir.... C'est un peu tôt ça. C'est pas bon. Je ne l'avais pas prévu aussi tôt.

KM 29 : voilà, nous rentrons dans le vif du sujet. "Le marathon c'est 30 km d'attente et 12,195 km de course" et la course va commencer!
Nous sommes désormais dans les faubourgs de Francfort, l'ambiance est besogneuse, laborieuse : je n'entends que la bruit des foulées autour de moi, pas u
n mot.

Je suis concentré sur ma course, je continue de m'alimenter et boire régulièrement. Je suis collé au ballon 2h59. Mon nez coule et je me rappelle Joëlle : "pas grave un nez encombré, il va se déboucher en courant" ! Pour sûr, OUI Joëlle, je crois que j'ai perdu plus d'eau par mes deux narines que par tous les pores de ma peau !

Puis de manière insidieuse la fatigue s'installe : sans m'en rendre compte je perds du terrain sur les meneurs. Pas de problème, j'accélère et je reviens vite... Une fois, deux fois... Je comprends que cela n'est pas bon. Je devrais être dans l'allure sans avoir besoin d’accélérer. Le doute s'installe dans ma tête. Mes cuisses sont encore plus dures mais répondent encore bien. Ma moyenne générale est encore à 14,3 km au km 33 mais au prix d'un effort ressenti toujours plus grand... Je comprends que cela va être compliqué. A Paris 2011 je n'avais pas ressenti cela.

A partir du km 34 les meneurs d'allure fondent littéralement... Je suis dépité, je ne le ferai pas, j'en suis persuadé. Oui mais les 3h12' de Paris 2012 m'avaient laissé un gout amer. J'avais laissé couler à l'époque dès que j'avais compris que je ne battrais pas mon record. Mais un marathon ça se respecte : tous ces mois de prépa pour au final se laisser couler à 6 km de l'arrivée : sûrement pas cette fois-ci. Je donnerai TOUT !

Frankfurt sous un autre angle

Le km 36 est proche, j'y ai donné rendez-vous à ma famille. Ils sont là à gauche comme nous l'avions planifié. Fanny filme, Lalie m'encourage, Noé me tend une petite bouteille d'eau. De rage, voyant mon objectif m’échapper, je leur balance mon sweat et hurle : JE L' FERAI PAS !

Je ne le ferai pas... Pourtant mon GPS indique encore une vitesse moyenne sur l'épreuve qui oscille entre 14,2 et 14,1 km/h. Il me faut 14,07 pour faire trois heures !

Je donne tout. Ma vitesse moyenne tombe à 14,0... Dur... Nous revenons dans la ville et cela me donne un regain de force. Ces mêmes rues saturées dans les premiers km sont désormais clairsemées de coureurs. Certains semblent dans leur allure, d'autres sont au ralenti, d'autres marchent, d'autres s'arrêtent pour "tirer leurs crampes".
Je bois un dernier petit bidon d'eau sucrée. Je n'arrive pas à le remettre en place sur ma ceinture. Il m'échappe, tombe au sol, tant
pis...

Je vois JF. Il est serré à droite de la chaussée. Je suis à gauche. Je reviens sur lui. Je lui dis "allez on y va". Il me répond "non, vas-y toi, tu as peut -être encore un truc à tenter".
J'accélère encore je retrouve une bonne vitesse instantanée 14,3 - 14,5 km/h... Nous repassons devant l'opéra et son écran géant et j'entends l'animateur : "FRédéRiccc LaRRuelle FRANKREICH "!!! Et les "Allez Frédéric"... Je puiserai jusqu'au fond de moi-même pour terminer, les trois derniers km, la bouche grande ouverte. Je cours un "10 km" mais à 14 km/h. Ma vitesse moyenne remonte à 14,1 km/h ! C'est bon ça ! Allez, accélère en
core !

La Messer Turm et ses 256 mètres sont en approche ! Dernière ligne droite, je suis dans un état second. Un dernier virage à gauche, puis un dernier à droite. Je m’engouffre dans la "FestHalle" sur tapis rouge. Elle est transformée pour l'occasion en véritable discothèque géante. Dernier sprint, sur la ligne j'arrête mon chrono... Le chrono officiel indiquait 3h1'43" je crois. C'est pas bon, ce n’est pas bon je ne suis pas parti 1'43" après les meilleurs. Je jette un coup d’œil sur mon GPS : vitesse moyenne = 14,1 km /h... Je ne comprends pas, je reste incrédule devant mon GPS. Je n'ose pas regarder mon chrono; Finalement, il m'indiquera 3h01' (3h00'57" net). Raté... Raté !!! 14,1 km/h oui... Mais sur 42 km ET 410 m et non pas 195 m... La marge d'erreur, les écarts... Déception...

Vient cette longue marche vers la sortie. Nous échangeons quelques mots avec JF. Frustration et résignation dominent.

Je marche seul, lentement vers la sortie et notre point de rendez-vous avec Fanny, les enfants. Lalie, ma fille, est là : elle pleure mon échec. Je suis obligé de la consoler : "la course à pied, ce marathon? Tu sais, c'est la plus importante des choses secondaires. Il y a tant de choses plus importantes dans la vie"...

J'ai réalisé une belle course. Les regrets sont toujours à Paris 2011, pas à Francfort 2014.

Paris 2011 m'avait donné mon niveau.

Paris 2012 m'avait plongé dans le doute.

Francfort 2014 m'a rassuré.

Frankfurt sous un autre angle

Ce marathon constitue sans nul doute LA destination idéale pour toutes celles et ceux qui souhaitent battre leur record sur la distance. Je souhaitais faire une bonne perf et cerise sur le gâteau revenir avec un chrono inférieur à 3 heures. L'unique cerise sera celle de la part de Schwarzwälder Kirschtorte que je dévorerai plus tard ;-). Ce sera peut-être en 2015 alors, si l'envie est là.

Fred